Réforme des collectivités Locales (III)
“ Ventilons, ventilons, aérons la France, fut-ce avec la bourrasque révolutionnaire ! tout vaut mieux que le moisi ” Alphonse ALLAIS
Actualité de la réforme (Source Gazette des communes, Les échos
Le 30 mars 2009 le mouvement national des élus locaux(Mnel) a présenté au Sénat les résultats de l’étude sur la réforme des collectivités, confiée au cabinet Deloitte, qui révèle que 65% des élus considèrent que le processus de décentralisation doit être poursuivi pour simplifier l’organisation territoriale.
91 % d’entre eux pensent également qu’il faut rénover le mode de fonctionnement des collectivités. Une réforme du statut de la fonction publique et un changement du mode de recrutement des agents sont plus particulièrement souhaités.
Voir l'enquête
L'Insee vient de publier une étude intitulée "Intercommunalité et fiscalité directe locale", dans "Économie et Statistique" n° 415-416, qui révèle que l’intercommunalité représente le principal déterminant de la fiscalité locale pour toutes les taxes de 1993 à 2006. L'étude de l'Insee
Le 10 avril en présence des représentants des ministères de l’Economie, de l’Intérieur et des trois grandes associations d’élus locaux s’est réuni à Bercy le groupe de travail consacré à la TP .Un second groupe de travail se tiendra prochainement avec les représentants des entreprises. Les pistes possibles
Quelques repères dans les lois cadres depuis 30 ans
Nous assistons à un mouvement fort de décentralisation (ce qui ne veut pas dire que des tendances centralisatrices ne sont pas à l'oeuvre)
-La loi du 2 mars 1982 pose le principe de la libre administration des collectivités territoriales et de leur autonomie financière
-La loi du 7 janvier et du 22 juillet 1983 portent sur le transfert des compétences de l’Etat vers les collectivités territoriales, et la répartition des différentes ressources financières et des services administratifs.
-loi du 6 janvier 1986 définit le statut et l’attribution des Conseils Régionaux, qui sont transformés en collectivités territoriales dont l’assemblée est élue au suffrage universel direct.
- Le CIAT du 5 novembre 1990 et la circulaire du 17 avril 1991
Mise en place d'une politique du réseaux de villes. L’Etat veut enclencher une complémentarité entre ville d’une même aire géographique et offrir, une offre compétitive au niveau régional. C’est aussi une normalisation du concept de développement local, de territoires de projet, où l’initiative est laissée aux élus locaux. Outil d’aménagement du territoire elles se veulent un complément à l’intercommunalité, pour impulser et favoriser de nouveaux modes de coopération et mutualiser les risques.En Rhônes-alpes, la volonté et l'action de R.Barre a été déterminante dans la qualité du dialogue entre villes.
-Loi du 6 février 1992 “loi d’administration territoriale de la République” dite “Joxe“
Cette loi ATR relance le processus de coopération intercommunale.Mise en place de schéma départemental de coopération intercommunale fera passer les 120 structures à fiscalité propre en 1989 à 1446 en 1997 dont 1105 communautés de communes,316 districts, 11 communautés urbaines 9 syndicats d’agglomération nouvelle,5 communautés de ville.
-Loi du 4 février 1995 LOADT “loi d’orientation sur l’aménagement et le développement du territoire” dite ” Pasqua-Hoeffel “
-Crée un schéma national d’aménagement et de développement du territoire, des schémas régionaux, et des schémas sectoriels.
-Systématisation de la politique de zonage en milieu rural ou politique de la ville.
-Retour de la notion de “Pays”
-Loi du 25 juin 1999 LOADDT “loi d’orientation sur l’aménagement et le développement durable du territoire” dite ” Voynet“
Elle institue 9 schéma de services collectifs qui remplacent le schéma national de 1995, les schéma régionaux d’aménagement et de développement du territoire doivent être harmoniser avec cette nouvelle nomenclature.
Objectifs : Susciter et fédérer le dynamisme et la coopération des territoires, garantir et optimiser le fonctionnement des services publics, intégrer les impératifs du développement durable.
La loi réaffirme et renforce la politique de constitution de pays.
Constitution d’un conseil de développement pour les agglomérations
-Loi du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale dite loi “Chevènement “.
-Les communauté Urbaines (+500.000 hab)
-Les communautés d’agglomération (+50.000 hab)
-Les communautés de communes :aucun seuil de population minimum exigé
Incitation et généralisation du recours aux EPCI (Etablissements publics de coopération intercommunale)
Simplification du paysage de l’intercommunalité à fiscalité propre.
-Loi de décembre 2000 dite de Solidarité et de Rénovation Urbaine SRU Loi” Gayssot / Besson”
Diversité des fonctions urbaines, mixité sociale de l’habitat, réhabilitation de la ville “faire la ville sur la ville” pour satisfaire aux besoins (économique, sportives,culturelles, intérêt général), respect de l’environnement. Le schéma directeur est remplacé par le schéma de cohérence d’orientation territoriale SCOT, et le plan d’occupation des sols par le plan local urbain PLU.
- En 1999, prurit centralisateur du Gouvernement Jospin : Suppression de plus de 80 milliards de recettes fiscales régionales
-Suppression de la part salariale dans le calcul de la taxe professionnelle
-Allégement des droits de mutation dans l’immobilier
-Suppression de la quote part régionale de la taxe d’habitation
-Suppression de la vignette pour le département
- Commission Mauroy “Commission pour l’avenir de la décentralisation”
-La loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales
a conforté le rôle des EPCI au plan local, leur donnant notamment la possibilité d’exercer certaines des compétences des départements et des régions.
Il est a noter que les élus des nouveaux groupement intercommunaux avec les blocs de compétences, leurs fiscalités additionnelles ou avec leur taxe professionnelle unique, constituants les véritables territoires de projet et de décision influant sur la vie quotidienne de la population, ne sont sont toujours pas validés par le suffrage universel direct depuis +15 ans. Ce débat évoqué lors de la première partie de la campagne électorale pour les élections présidentielles de 2002, à été totalement absent de la campagne de 2007.
Le Territoire, le Pays le Local
La conversion du lointain et du proche, va prendre de plus en plus d’importance en constituant un espace du dedans, qui sera tout entier co-présent à l’espace du dehors sur la ligne du pli. Penser, c’est plier, c’est doubler le dehors d’un dedans qui lui est coextensif. G.Deleuze La pensée du Dehors
La pensée du Territoire tourne autour de trois points centraux:
-Héritage conceptuel
-Reflet du réel
-Projet normatif
Le territoire, le pays, le local, sont des notions géostratégiques, porteuses selon les époques d’idéologies différentes. Elles sont historiquement le lieu de luttes idéologiques et politiques pour le controle de ces zones alternant des phases :
-Révolutionnaire / Républicaine
-Réactionnaire
-Autogestionnaire / libertaire
-Alternative
-Ethniciste (épuration ethnique)
Nous sommes depuis plus de 30 ans dans une phase où la notion est en pleine ascension.Elle est aussi un véritable fourre tout , banalisé où les acteurs se gardent bien de la définir, car l’ambiguïté rend possible le consensus et la convergence des intérêts souvent contradictoires.
Le Pays ; vieux mot polysémique. Il suit un cours ascendant et descendant selon les périodes historiques. On ne peut l’associer à un courant idéologique, ou à un parti, sans en restreindre sa compréhension. D’un point de vue des pouvoirs politiques, il est associé avec les notions de notabilité et de “petites baronnies”. Age d’or fin XIX début XX siècle et gouvernement de Vichy. Depuis 1970 montée en puissance de la notion de pays (les 1er contrats de pays ont été lancés lors du CIAT(1) du 11/05/75) ni institution, ni circonscription administrative, le pays est reconnu comme espace de projet et cadre territorial de coopération entre l’ensemble des partenaires.La Présidence Sarkozy semble vouloir refermer cette page.
Le Local : la notion de "local“ est revenue au centre de la scène de la gouvernance, dans les années 1970, avec les mouvements de revendication “Vivre et travailler au pays“ et d'autogestion. Dans les années 1980, dans la vague des lois de 1981/1982, elle prend une vigueur considérable, comme marqueur d'expérimentation de gestion de projets par les pouvoirs publics locaux. Dans les années 1990 on relie directement cette notion avec l'échelle global."penser globalement agir localement“
Entre le global et l’individu émergence du Local est investi selon les époques de valeur: -de meilleur protection, de proximité, de socialisation -de laboratoire des nouvelles techniques et innovation -de laboratoire de la démocratie participative
Dorénavant la revendication d'unité à taille humaine est forte. Small is beautifull de E.K Shumacher va souvent de pair avec less is more.
France Guérin-Pace, chargée de recherche à l’Institut national des études démographiques (Ined), auteur d’une enquête sur le sujet note « Dans le passé, évoquer son métier ou sa situation familiale suffisait, dans une large mesure, à nous identifier. Désormais, le territoire fait souvent figure de substitut aux référents classiques ».
Du coup, on assiste, dit-elle, à une « réactivation des identités locales ». Intitulée Histoire de vie, une étude menée en 2003 par l’Insee auprès de plus de 8 000 personnes montre que la commune est désignée comme le lieu d’appartenance dans 55 % des cas. Viennent ensuite la région (14 %), le département (10 %), un lieu à l’étranger (7 %), puis la France (6 %).
Aménager, découper ou ménager ?
La « géographie régionale » ne supporte pas d’être marginalisée : ou elle englobe l’essentiel, ou il n’y a plus de géographie. En certains lieux, il semble qu’on ait perdu le sens de l’espace et du territoire au profit d’une « géographie » thématique. J'ai maintenu le concept d’une structure du système fondée sur l’interrelation travail/information/ressources/capital/moyen de production“ Roger Brunet (2)
La tradition française attribue, à la notion d’aménagement du territoire, les valeurs, qui ont fondé sa politique, “de compensation des déséquilibres de développement” entre région, la notion “d’aménagement de l’espace"se glisse aussi quelques fois.
Du point de vue de l’Etat centralisateur le projet de société proposé en direction de ces “territoires” eu l’ambition depuis 50 ans de reconstruire, de moderniser, de rééquilibrer, le pays par une planification, impérative, puis facultative, et maintenant plus incitative du moins dans les intentions.L'Etat s'est doté en 1963 d'un organisme de conseil et d'action prospective la DATAR, devenu en 2005 la DIACT, ajoutant à ses missions de solidarité ou de cohésion des territoires une forte dimension de compétitivité.
Il a mis aussi en place plusieurs “bras armés“ financier dont le plus structurant est la Caisse des dépôt et Consignation. CDC.(Michel Bouvard député de Savoie est le président de la commission de surveillance) La réalité n’est pas aussi simple, il faut, nous semble t-il, rapporter les discours constamment aux faits, et les mettre en perspective avec une histoire, des processus évolutifs de ce siècle et surtout de ces 30 dernières années.
La politique d’aménagement du territoire est en premier lieu pour un Etat , dans sa substance même centralisateur, un moyen impératif de diviser et de répartir le territoire aussi bien d’un point de vue économique, social, culturel, politique, pour son développement propre et compte tenu des évolutions de notre époque. (Europe, Mondialisation, globalisation) . La montée et l’institutionnalisation des pouvoirs locaux, ont mis au coeur du territoire et sur le chemin du pouvoir centralisé, déconcentré les notions de partenariat, de contractualisation et de gouvernance.
Reconnaissons que si les territoires n'ont pas attendu le pouvoir central pour avoir des projets, l'effort de l'Etat à été aussi souvent de pouvoir relier les territoires qui s’ignoraient entre eux et de contrecarrer les rentes abusives locales (Incitation à l'action collective) et les baronnies d’élus.
Quelle coordination pour les financements croisés ou parallèles
Mais pour autant, les acteurs qui interviennent sur un territoire ou un secteur d’activité , qu’ils soient , services déconcentrés, collectivités territoriales ou agences et acteurs privés mandatés, sont si nombreux qu’ils constituent un entrelacs kafkaïen, ou les maîtres mots actuels de la gouvernance publique : efficiences et résultats, sont trop souvent absent.
Si on prend comme exemple le secteur économique, considéré en effet par le législateur (7 janvier et 22 juillet 1983 relatives à la répartition de compétences entre les communes, les départements, les régions et l’Etat), comme une compétence inhérente à la légitimité de chaque collectivité de maîtriser le développement de son territoire, l’aide en faveur des entreprises a été dès l’origine conçue comme une compétence partagée entre l’Etat et chacune des autres collectivités territoriales.
Aussi, régulièrement, la Cour des comptes (4), ou les Chambres consulaires, dénombrent pas moins de 5000 aides et financements publics s’adressant aux entreprises. Entre les régions et les départements ce ne sont pas moins de 100 acteurs qui peuvent intervenir.
Quel chef de fil, quelle gouvernance publique pour une politique d’aide économique structurante et correspondant aux attentes des porteurs de projets innovants ou à risques ?
Ici malgré les sommes importantes en jeu, force est de constater, que décentralisation ne rime pas avec politique d’aménagement du territoire et encore moins avec politique économique ou industrielle cohérente et efficace (ex : Moulinex) et facilite trop souvent césarisme local, népotisme, clientélisme quand ce n’est pas corruption.
La réforme territoriale sera possible à partir du moment où sans résignation et sans “fausse émotion ou effarouchement républicain “, nous aurons la ferme volonté de débattre concernant: le cumul des mandats, les indemnités, le statut, les pouvoirs, de nos élus.
N’oublions pas que “la république des copains et des coquins“ expression non d’un dangereux gauchiste, mais d’un éminent représentant de la droite française, devenu par la suite ministre de l’intérieur (Michel Poniatowski) commence au local.
Si l’on veut couper la spirale d’une société de soupçon, et que le populisme ne soit pas demain l’idéologie dominante, il y a un grand chantier qui doit s’ouvrir dans ce domaine, et qui permettra alors une autre ère de civilisation.
A l’échelle européenne, Les forces politiques décisionnelles françaises imposent une marche forcée vers un nouveau découpage territorial, vers un nouvel espace géopolitique, correspondant à un schéma planifié d’aménagement européen, pour un optimun de développement, dans la bataille de la mondialisation et de la globalisation de l’économie. Pour l'Europe ( NUTS et ZEAT), Rhône-alpes est avec l'Auvergne la zone Centre-Est Cette volonté structurante planifié depuis plusieurs décennies, n'est ni porté à la connaissance de tous , ni proposé et encore moins débattu par les électeurs et les électrices.Cela crée, dés lors, une distance considérable entre les représentations symboliques d'appartenances de chacun, les territoires de projet et d'investissement, et les espaces démocratiques. Le non à la constitution, semble en être un des indicateurs. L’abstention record aux élections européennes démontre que cette dynamique et cette méthode sont fortement contestée.
Il n’y aura pas de réforme territoriale, il n’y aura pas d’avancée dans la décentralisation dans notre pays, sans une prise en compte d’une gouvernance démocratique des territoires.
Quelques définitions
TERRITOIRE n. m lat : territorium qui donnera aussi terroir Apparition en 1380 de territoire, mais utilisation rare avant le XVII ème siècle Sens courant et géographique : Etendue de la surface terrestre sur laquelle vit un groupe humain Sens Politique :Etendue de la surface terrestre sur laquelle vit une collectivité politique Sens en géopolitique et en économie politique:Etendue de pays ou s’exerce un pouvoir, une autorité, une juridiction Sens Zoologique :Zone qu’un animal se réserve et dont il interdit l’accès à ses congénères.
PAYS. Xe bas latin Pagen habitant d’un pagus, bourg, canton XIVe Païs sens ancien :personne du même pays, dans le sens compatriote. sens géographie physique :Région plus ou moins nettement limitée, considérée surtout dans son aspect physique sens géopolitique large: Territoire habité par une collectivité et constituant une réalité géographique dénommée.Etat, Nation, Patrie. sens symbolique, poétique :Lieu, patrie, à laquelle on appartient par la naissance sens populaire :Petite ville, village sens péjoratif :Bled, patelin
LOCAL Substantif Sens géographique rarement définie sauf par les géographes Lieu considéré dans ses caractères particuliers sens commun : pièce, partie d’un bâtiment à destination déterminée sens commun : qui concerne un lieu, une région, qui est particulier sens médical : qui n’affecte qu’une partie du corps autre sens : couleur locale (1664)
Notes :
1 CIAT Comité interministériel d’aménagement du territoire
2 « Réflexion sur la région, treize ans après », EspacesTemps Les Cahiers n°52-53, Les apories du territoire. Espaces, couper/coller, 1993, p. 70-71.
3 Les populismes dans le monde Guy Hermet Fayard
4 Cour des Comptes rapport public « les aides des collectivités territoriales au développement économique » voir en annexe 1 travaux de la crc de rhône-alpes
En savoir Plus
Roger BRUNET « La géographie, science des territoires et des réseau“ http://www.erudit.org/revue/cgq/1995/v39/n108/022523ar.pdf
PACTE (ancien Cerat ) laboratoire de recherche de Grenoble: http://www.pacte.cnrs.fr/
Institut des hautes études de développement et d’aménagement des territoires européens :
http://www.mediaterre.org/france/actu,20060906085723.html
DIACT : http://www.diact.gouv.fr/
Observatoire des territoires : http://www.territoires.gouv.fr/indicateurs/portail_fr/index_fr.php
Réseau interdisciplinaire pour l'aménagement du territoire européen : http://www.ums-riate.fr/
Insee : Connaître l’activité économique locale http://www.insee.fr/fr/insee-statistique-publique/magazine_iam/iam47.pdf